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Usage des licences libres en matière de SaaS. Ou encore « SaaS use » que si l’on s’en sert …

Nicolas Rougier

Le contentieux entre Free et les auteurs du logiciel Libre Busybox vient de trouver semble-t-il une solution amiable. J’avoue ma frustration ! C’était une belle occasion pour nos magistrats de se prononcer sur la valeur des licences libres. Qui plus est, ne pas respecter une licence libre quand on s’appelle « Free », vous avouerez qu’il y avait de quoi faire de cette affaire une jurisprudence au nom bien porté. Mais rien de tout cela puisque Free va désormais indiquer la présence du logiciel et le nom de ses auteurs. Du coup, au comble de la frustration,  je n’ai d’autre choix que de vous asséner ce billet, vibrant témoignage de mes cogitations actuelles en matière d’open-source mais aussi reflet de ce que recherchent nombre de mes clients passés et actuels quand ils décident  de passer un logiciel en libre.

Notre propos dans ce billet est donc de développer succinctement l’épineuse problématique du choix d’une licence libre pour la diffusion d’un logiciel s’exécutant sur un serveur distant et dont l’utilisateur bénéficie des fonctionnalités au travers d’internet. C’est le cas des logiciel SaaS pour Software as a Service. Pour qui veut protéger son logiciel dans son nouvel état de logiciel libre, la licence choisie doit garantir une contamination des versions modifiées.

Le rapport avec l’affaire Free ? Et bien à ma connaissance la défense de Free consistait à soutenir qu’il n’y avait pas de redistribution du logiciel sous licence libre dans la mesure où il s’agissait d’un logiciel embarqué nécessaire au fonctionnement des Freebox, ces dernières n’étant que louées aux utilisateurs. Ceci permettait à Free de soutenir que laFreebox était l’élément terminal de son réseau et qu’il n’y avait donc pas « distribution » puisque les utilisateurs ne pouvaient accéder au contenu de la Freebox. J’avoue que pour ma part le raisonnement se tient et cela met justement l’accent sur une « lacune » potentielle de certaines licences libres lorsqu’elles sont couplées avec des logiciels ayant pour vocation à être exécutés en réseau. Car que ce soit les abonnés de Free utilisant les services de leur freebox, ou bien les clients d’un service web accédant au logiciel hébergé sur un serveur distant, le problème et le même : certaines licences libres n’impliquent pas qu’il y ait hérédité si l’utilisation n’implique pas une reproduction du logiciel par l’utilisateur.

Cela est d’ailleurs le cas de la fameuse GNU-GPL v2.1, l’une des licences libres les plus répandues. On attendait d’ailleurs que la version 3 de ladite licence intègre une disposition couvrant les cas d’exploitation en ligne. Il s’avère que durant les débats et quasiment jusqu’au dernier moment avant la publication officielle de la V3, le projet incluait une telle clause dite  Affero. Mais sous la pression de certains acteurs majeurs du libre il a finalement été convenu que la GNU GPL v3 et sa notion de « convey » (transfert) ne concernerait que les transmissions de copies :

« To “convey” a work means any kind of propagation that enables other parties to make or receive copies. Mere interaction with a user through a computer network, with no transfer of a copy, is not conveying.« 

Les explications de la FSF sur ce point (voir la FAQ dédiée sur le site de la FSF) se résume à dire qu’ils ont préféré réaliser une  licence spécifique pour le cas des logiciels exploités en SaaS : la GNU Affero GPL v3 (ou AGPL v3). C’est sous l’article 13 que l’on trouve la fameuse clause Affero :

« 13. Remote Network Interaction; Use with the GNU General Public License.

Notwithstanding any other provision of this License, if you modify the Program, your modified version must prominently offer all users interacting with it remotely through a computer network (if your version supports such interaction) an opportunity to receive the Corresponding Source of your version by providing access to the Corresponding Source from a network server at no charge, through some standard or customary means of facilitating copying of software. This Corresponding Source shall include the Corresponding Source for any work covered by version 3 of the GNU General Public License that is incorporated pursuant to the following paragraph.

[...]

Notwithstanding any other provision of this License, you have permission to link or combine any covered work with a work licensed under version 3 of the GNU General Public License into a single combined work, and to convey the resulting work. The terms of this License will continue to apply to the part which is the covered work, but the work with which it is combined will remain governed by version 3 of the GNU General Public License. »

La lecture de cette clause suscite la réflexion. En effet, stricto sensu, ce texte n’affirme pas que la version modifiée du programme mise à disposition en réseau doive être soumise à la AGPL v3. Celle-ci impose juste de laisser la possibilité d’accéder au code modifié sans frais.  Certains en déduisent que cette communication du code doit donc être analysée comme un cas de transfert d’une copie du code et entre donc dans la définition de « CONVOY », imposant alors l’application de l’AGPL à ce code modifié. Cette nuance peut avoir son importance et est manifestement volontaire en ce qu’elle oblige à distribuer une copie, mais ne considère pas la mise à disposition en réseau comme un transfert en soi. Reste que ce mécanisme en deux temps peut compliquer la lecture de la licence surtout entre les mains d’un Tribunal dont on ignore le droit natif.

Malgré ses ambiguïtés, il semble que l’AGPL soit devenue de par le fait LA licence des éditeurs de solution SaaS. Cependant d’autres licences moins connues sont envisageables et notamment l’Open Software Licence v3.0. Cette licence est particulièrement bien écrite, s’avère très simple et inclut une clause type Affero s’appuyant sur la notion d’ “External deployment” qui s’avère très simple à manier :

5) External Deployment. The term « External Deployment » means the use, distribution, or communication of the Original Work or Derivative Works in any way such that the Original Work or Derivative Works may be used by anyone other than You, whether those works are distributed or communicated to those persons or made available as an application intended for use over a network. As an express condition for the grants of license hereunder, You must treat any External Deployment by You of the Original Work or a Derivative Work as a distribution under section 1(c).

Cette façon d’affirmer dès la définition que les travaux mis à disposition en réseau entrent dans le champ de la licence diffère de la méthode plus tortueuse de GNU AGPL 3.

Le choix de l’OSL n’est donc pas dénué d’intérêt. Malgré ses qualités, cette licence est totalement incompatible avec les autres licences copyleft. Il en résulte un choix sans doute plus limité pour les programmeurs qui souhaiteraient fusionner du code sous OSL avec un autre.

Notons aussi que la licence EUPL v1.1 (http://www.osor.eu/eupl/eupl-v1.1/fr/EUPL%20v.1.1%20-%20Licence.pdf )  prévoit une clause assimilable à une clause Affero :

Article 1 définition de la notion de Distribution ou communication  : toute action de vente, don, prêt, louage, distribution, communication, transmission ou de rendre disponible, en ligne ou hors ligne, des copies de l’œuvre ou l’accès à ses fonctionnalités essentielles à d’autres personnes physiques ou morales.

Nous devons aussi évoquer le recours possible à la seule licence de droit français qui puisse laisser espérer une compatibilité améliorée avec notre droit national, la licence CECILL A. Or, l’un des gros avantages de cette licence est sa compatibilité annoncée dans son corps avec la GNU GPL mais rien n’est indiqué concernant la AGPL. De plus, aucune clause Affero n’est présente dans cette licence à notre connaissance. Pourtant, renseignement pris auprès d’un des organismes corédacteurs, cette compatibilité entre la CECILL-A et la AGPL serait bien prévue. Je reste encore sceptique, mon interlocuteur n’étant pas juriste à l’évidence.

Je suis actuellement à la recherche pour analyse d’autres licences de type Affero, et je tâcherai donc de mettre à jour ce billet si je parviens à en trouver une qui envoie fort des loutres sur mars.

Gérald SADDE – Avocat Affér(é)


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