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L’abus de « bière » dans les noms de domaine est-il dangereux pour la santé … de vos concurrents ?

© V. Yakobchuk - Fotolia.com

C’est à cette douloureuse question qu’a dû répondre la Cour d’appel de DOUAI dans un arrêt du 05 octobre 2011. Douloureuse car cela confine à la torture que de devoir parler de bière durant tout un dossier. Surtout pendant l’audience. Imaginez-vous devoir répéter ou entendre le mot « bière » 100 fois  en 1h 30 (j’imagine). Tout le monde devait avoir la bave aux lèvres et l’oeil hagard. Ceci explique peut-être une décision nerveuse et vue de l’extérieur assez surprenante.

Pour commencer l’affaire était classique: une société réserve un nom de domaine proche de celui d’un de ses concurrents (un tiret les différenciait), et redirige son flux vers son propre site. Ce détournement de clientèle est habituellement considéré comme anormal surtout si le nom de domaine ainsi imité bénéficie d’une protection quelconque. Ici il s’agissait du nom commercial de la société concurrente « selection-biere.com ». D’ailleurs ce point était acquis pour les demandeurs dès la première instance.

L’arrêt devient plus intéressant concernant le sort qu’il réserve aux « sites satellites ». En effet notre défendeur avait réservé un certain nombre de noms de domaine comportant le mot « bière », manifestement choisis pour leur capacité à augmenter le référencement naturel de son site principal   »saveur-biere.com » vers lequel tous pointaient. On y trouvait : misterbiere.com, in2beers.com, mister-biere.com, esprit-biere.com, couleur-biere.com, couleursbieres.com, monsieurbiere.com. Or, la Cour a ordonné la suppression de ces sites alors qu’a priori, « ils n’avaient rien fait de mal ». J’entends que ces sites ne constituaient pas en eux-même une atteinte à la société concurrente. Point de détournement de clientèle ou de volonté de créer une confusion, ni même de contrefaçon. Juste l’application de la règle du « premier arrivé, premier servi » propre au système de réservation de noms de domaines. Les termes réservés relèvent de la bonne idée, du slogan commercial. Les magistrats auraient-ils vu rouge par manque de mousse au point de vouloir mettre les dits noms de domaine en bière ?

Il s’avère que  le défendeur s’était aussi rendu coupable de divers agissements assez agressifs commercialement parlant vis à vis de son concurrent. On ne plaisante pas chez les revendeurs de tireuses à bière ma bonne dame. C’est super technique la tireuse à bière. Il y a une grâce merveilleuse dans cet appareil qui siège fièrement, dans ce levier quasi phallique à mon sens, qu’il convient de manier avec dextérité pour éviter que cela ne mousse. Comme quoi la métaphore sexuelle s’arrête là.

Bref, je ne sais pas si l’image de la tireuse à bière a encore plus énervé nos magistrats mais le résultat est là  :

« Attendu qu’en multipliant la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme bière favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche, Julien L. et la sarl Saveur Biere ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité ; qu’infirmant le jugement entrepris sur ce point en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande formée par Céline S. de ce chef, Julien L. et la sarl Saveur Biere doivent être condamnés sous astreinte à supprimer les sites satellites du site saveur-biere.com ; »

Je reste pantois devant ce raisonnement qui devrait faire trembler tous les spécialistes du référencement naturel !  Au-delà du fait que les magistrats n’ont sans doute pas été correctement informés du fonctionnement des moteurs de recherche, est-ce bien leur rôle que de porter de telles affirmations et en ont-ils réellement la compétence ? Personne ne connaissant le fonctionnement exact de google & co., comment déterminer qu’il y a bien PRIVATION de chance d’être normalement visité. Le concurrent n’est-il pas tout simplement un gros nul en référencement ? Le référencement ne fait-il pas justement partie du savoir-faire de l’entrepreneur et de la liberté même d’entreprendre ?

Le texte de l’arrêt nous le rappelle : nous sommes face à un fondement juridique de nature délictuelle fondée sur  l’article 1382 du code civil, « qui suppose la démonstration d’une concurrence déloyale par un usage excessif de la liberté du commerce par des procédés qui rompent l’égalité dans les moyens de la concurrence« . Il convient de démontrer qu’il y a un dommage pour le concurrent qui découle de cette réservation de quelques noms de domaine. Mais cette réservation relève elle-même  de la liberté d’entreprendre selon moi. Que penser si demain la victime d’un jour, forte de cette expérience, devient l’agresseur en réservant à son tour les mêmes noms de domaine et bien d’autres ? Tout cela ne tient pas debout à mon sens d’autant que le juge de paix en la matière s’appelle Google en France et que la dernière version de ses algorithmes de référencement (nom de code Panda) est encore plus virulente contre les techniques visant à obtenir un référencement artificiel notamment par la multiplication des noms de domaine ou des sites miroirs, et que les mots clés dans le nom de domaine ne sont plus pris en compte (à ma connaissance). Laissons donc les acteurs économiques s’auto-réguler sur des aspects aussi techniques de l’internet …

Gérald SADDE – Avocat aux yeux dans la bière…

Je dédis ce billet à Alice. Qu’il puisse la faire sourire là où elle est.

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Responsabilité pénale des producteurs de sites web participatifs : une Question pour les Champions du Conseil constitutionnel !

Dans un billet précédent je m’étonnais du système instauré par 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle permettant à la cour de cassation de sanctionner un blogueur en le qualifiant de « producteur du site ». Il y avait cela de choquant que cette application stricte de la lettre de l’article 93-3 revenait à annihiler le récent statut protecteur des éditeurs de services de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes. En substance, le blogueur, par exemple, ouvrant la possibilité de laisser des commentaires, voyait sa responsabilité pénale en tant que directeur de la publication atténuée à la manière du statut protecteur des hébergeur. Mais pour peu que notre animateur de blog / directeur de la publication puisse aussi être qualifié de « producteur », cette responsabilité pénale lui était alors appliquée de plein droit au titre d’une obligation de résultat pour ainsi dire. En résumé, il fallait un responsable.

Cette situation démontrait tout de même qu’il y avait un loupé du législateur qui avait semble-t-il trop compté sur une application souple des Tribunaux. Tout cela ne participait pas à l’éclaircissement de la situation des acteurs du net en France, et ce, alors même que la jurisprudence semblait avoir enfin digéré le principe du WEB 2.0 dit participatif.

Il fallait faire quelque chose, et puisque l’affaire était déjà passée par la Cassation il ne restait plus que la QPC. Non il ne s’agit pas de Questions Pour un Champion mais de la Question Prioritaire de Constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a donc été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question portait en réalité sur la conformité de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle aux droits et libertés que la Constitution garantit. C’est un peu le seul moyen dont on dispose (depuis peu) pour remettre en cause un texte de loi qui a été écrit avec les pieds.

Le Conseil, dans sa décision, reconnait effectivement que le texte ne doit pas être interprété d’une manière stricte car cela serait alors contraire à  l’article 9 de la Déclaration de 1789.  En effet, dans le système des forums de discussion ne faisant pas l’objet d’une modération a priori ou des sites participatifs, le Producteur peut se trouver seul, finalement, à endosser toute la responsabilité qui devrait incomber en premier lieu  à l’auteur du contenu ou au directeur de la publication. Ceci ajouté au fait que le Producteur peut de bonne foi ignorer les faits qui lui sont reprochés et donc n’avoir jamais eu l’occasion de prendre des mesures. La responsabilité légale qui en résulte serait alors une responsabilité sans faute et sans négligence fautive, une présomption de culpabilité quasi automatique.

« Le Conseil constitutionnel a donc formulé une réserve d’interprétation pour que l’article 93-3 de la loi du 29 janvier 1982 ne puisse pas être interprété comme permettant que le créateur ou l’animateur d’un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voit sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d’un message dont il n’avait pas connaissance avant la mise en ligne. Sous cette réserve d’interprétation, cet article a été déclaré conforme à la Constitution. »

Voilà qui devrait réorienter l’analyse de la responsabilité pénale des créateur et animateur des sites participatifs, dans le « droit chemin ». Ceci revient à mon sens à organiser l’analyse de la responsabilité du responsable le plus souvent unique du site sous le seul angle de celui du Directeur de la publication. Les choses reviendraient donc dans l’ordre. Mais  cette notion de Producteur doit être prise en compte à l’avenir car cette personne physique est à l’évidence un coupable bien vite trouvé quand il est seul identifié.

Gérald SADDE – Je suis, je suis, je suis … Avocat

Référence : Décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011

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Usage des licences libres en matière de SaaS. Ou encore « SaaS use » que si l’on s’en sert …

Nicolas Rougier

Le contentieux entre Free et les auteurs du logiciel Libre Busybox vient de trouver semble-t-il une solution amiable. J’avoue ma frustration ! C’était une belle occasion pour nos magistrats de se prononcer sur la valeur des licences libres. Qui plus est, ne pas respecter une licence libre quand on s’appelle « Free », vous avouerez qu’il y avait de quoi faire de cette affaire une jurisprudence au nom bien porté. Mais rien de tout cela puisque Free va désormais indiquer la présence du logiciel et le nom de ses auteurs. Du coup, au comble de la frustration,  je n’ai d’autre choix que de vous asséner ce billet, vibrant témoignage de mes cogitations actuelles en matière d’open-source mais aussi reflet de ce que recherchent nombre de mes clients passés et actuels quand ils décident  de passer un logiciel en libre.

Notre propos dans ce billet est donc de développer succinctement l’épineuse problématique du choix d’une licence libre pour la diffusion d’un logiciel s’exécutant sur un serveur distant et dont l’utilisateur bénéficie des fonctionnalités au travers d’internet. C’est le cas des logiciel SaaS pour Software as a Service. Pour qui veut protéger son logiciel dans son nouvel état de logiciel libre, la licence choisie doit garantir une contamination des versions modifiées.

Le rapport avec l’affaire Free ? Et bien à ma connaissance la défense de Free consistait à soutenir qu’il n’y avait pas de redistribution du logiciel sous licence libre dans la mesure où il s’agissait d’un logiciel embarqué nécessaire au fonctionnement des Freebox, ces dernières n’étant que louées aux utilisateurs. Ceci permettait à Free de soutenir que laFreebox était l’élément terminal de son réseau et qu’il n’y avait donc pas « distribution » puisque les utilisateurs ne pouvaient accéder au contenu de la Freebox. J’avoue que pour ma part le raisonnement se tient et cela met justement l’accent sur une « lacune » potentielle de certaines licences libres lorsqu’elles sont couplées avec des logiciels ayant pour vocation à être exécutés en réseau. Car que ce soit les abonnés de Free utilisant les services de leur freebox, ou bien les clients d’un service web accédant au logiciel hébergé sur un serveur distant, le problème et le même : certaines licences libres n’impliquent pas qu’il y ait hérédité si l’utilisation n’implique pas une reproduction du logiciel par l’utilisateur.

Cela est d’ailleurs le cas de la fameuse GNU-GPL v2.1, l’une des licences libres les plus répandues. On attendait d’ailleurs que la version 3 de ladite licence intègre une disposition couvrant les cas d’exploitation en ligne. Il s’avère que durant les débats et quasiment jusqu’au dernier moment avant la publication officielle de la V3, le projet incluait une telle clause dite  Affero. Mais sous la pression de certains acteurs majeurs du libre il a finalement été convenu que la GNU GPL v3 et sa notion de « convey » (transfert) ne concernerait que les transmissions de copies :

« To “convey” a work means any kind of propagation that enables other parties to make or receive copies. Mere interaction with a user through a computer network, with no transfer of a copy, is not conveying.« 

Les explications de la FSF sur ce point (voir la FAQ dédiée sur le site de la FSF) se résume à dire qu’ils ont préféré réaliser une  licence spécifique pour le cas des logiciels exploités en SaaS : la GNU Affero GPL v3 (ou AGPL v3). C’est sous l’article 13 que l’on trouve la fameuse clause Affero :

« 13. Remote Network Interaction; Use with the GNU General Public License.

Notwithstanding any other provision of this License, if you modify the Program, your modified version must prominently offer all users interacting with it remotely through a computer network (if your version supports such interaction) an opportunity to receive the Corresponding Source of your version by providing access to the Corresponding Source from a network server at no charge, through some standard or customary means of facilitating copying of software. This Corresponding Source shall include the Corresponding Source for any work covered by version 3 of the GNU General Public License that is incorporated pursuant to the following paragraph.

[...]

Notwithstanding any other provision of this License, you have permission to link or combine any covered work with a work licensed under version 3 of the GNU General Public License into a single combined work, and to convey the resulting work. The terms of this License will continue to apply to the part which is the covered work, but the work with which it is combined will remain governed by version 3 of the GNU General Public License. »

La lecture de cette clause suscite la réflexion. En effet, stricto sensu, ce texte n’affirme pas que la version modifiée du programme mise à disposition en réseau doive être soumise à la AGPL v3. Celle-ci impose juste de laisser la possibilité d’accéder au code modifié sans frais.  Certains en déduisent que cette communication du code doit donc être analysée comme un cas de transfert d’une copie du code et entre donc dans la définition de « CONVOY », imposant alors l’application de l’AGPL à ce code modifié. Cette nuance peut avoir son importance et est manifestement volontaire en ce qu’elle oblige à distribuer une copie, mais ne considère pas la mise à disposition en réseau comme un transfert en soi. Reste que ce mécanisme en deux temps peut compliquer la lecture de la licence surtout entre les mains d’un Tribunal dont on ignore le droit natif.

Malgré ses ambiguïtés, il semble que l’AGPL soit devenue de par le fait LA licence des éditeurs de solution SaaS. Cependant d’autres licences moins connues sont envisageables et notamment l’Open Software Licence v3.0. Cette licence est particulièrement bien écrite, s’avère très simple et inclut une clause type Affero s’appuyant sur la notion d’ “External deployment” qui s’avère très simple à manier :

5) External Deployment. The term « External Deployment » means the use, distribution, or communication of the Original Work or Derivative Works in any way such that the Original Work or Derivative Works may be used by anyone other than You, whether those works are distributed or communicated to those persons or made available as an application intended for use over a network. As an express condition for the grants of license hereunder, You must treat any External Deployment by You of the Original Work or a Derivative Work as a distribution under section 1(c).

Cette façon d’affirmer dès la définition que les travaux mis à disposition en réseau entrent dans le champ de la licence diffère de la méthode plus tortueuse de GNU AGPL 3.

Le choix de l’OSL n’est donc pas dénué d’intérêt. Malgré ses qualités, cette licence est totalement incompatible avec les autres licences copyleft. Il en résulte un choix sans doute plus limité pour les programmeurs qui souhaiteraient fusionner du code sous OSL avec un autre.

Notons aussi que la licence EUPL v1.1 (http://www.osor.eu/eupl/eupl-v1.1/fr/EUPL%20v.1.1%20-%20Licence.pdf )  prévoit une clause assimilable à une clause Affero :

Article 1 définition de la notion de Distribution ou communication  : toute action de vente, don, prêt, louage, distribution, communication, transmission ou de rendre disponible, en ligne ou hors ligne, des copies de l’œuvre ou l’accès à ses fonctionnalités essentielles à d’autres personnes physiques ou morales.

Nous devons aussi évoquer le recours possible à la seule licence de droit français qui puisse laisser espérer une compatibilité améliorée avec notre droit national, la licence CECILL A. Or, l’un des gros avantages de cette licence est sa compatibilité annoncée dans son corps avec la GNU GPL mais rien n’est indiqué concernant la AGPL. De plus, aucune clause Affero n’est présente dans cette licence à notre connaissance. Pourtant, renseignement pris auprès d’un des organismes corédacteurs, cette compatibilité entre la CECILL-A et la AGPL serait bien prévue. Je reste encore sceptique, mon interlocuteur n’étant pas juriste à l’évidence.

Je suis actuellement à la recherche pour analyse d’autres licences de type Affero, et je tâcherai donc de mettre à jour ce billet si je parviens à en trouver une qui envoie fort des loutres sur mars.

Gérald SADDE – Avocat Affér(é)


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