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Le cas des Google Adwords devant la Cour de Justice des Communautés Européennes : conclusion de l'avocat général

© V. Yakobchuk - Fotolia.com

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Nous ne ferons pas de bons mots dans le titre de cet article car l’heure est grave. L’avocat général a rendu ses conclusions concernant la responsabilité de Google pour son service Adwords. La Cour de cassation française a en effet sollicité l’avis de la CJCE afin d’éclairer sa lanterne sur l’application de la directive sur le commerce électronique et plus précisément sur l’interprétation qu’il convient de faire du principe de non responsabilité des prestataires techniques du web lorsque l’on parle de Google et de son service « adwords ».

En résumé, l’avocat général  a clairement mis hors de cause Google pour l’exploitation de son service estimant que la société ne pouvait porter la responsabilité de l’utilisation illicite ou déloyale que ses clients font du service. En l’occurrence,  les actes répréhensibles consistent, en général pour des concurrents, à enfreindre les droits de marque en achetant des mots clefs correspondant à des marques enregistrées d’un tiers.

Pour rappel, le communiqué de presse nous donne le résumé des faits : « Google permet aux internautes d’accéder gratuitement au moteur de recherche Google. Lorsqu’ils saisissent des mots clefs dans ce moteur de recherche, les utilisateurs d’Internet voient s’afficher une liste de résultats naturels, sélectionnés et classés en fonction de leur pertinence par rapport aux mots clefs, déterminée selon des critères objectifs.
Google exploite également un système de publicité dénommé «AdWords» qui permet l’affichage d’annonces à côté des résultats naturels, en réponse aux mots clefs. Ces annonces consistent, en principe, en un bref message commercial et en un lien vers le site de l’annonceur ; elles se distinguent des résultats naturels de par leur emplacement et leur présentation. Via AdWords, Google permet aux annonceurs, moyennant paiement, de sélectionner des mots clefs de telle sorte que leurs annonces soient présentées aux internautes en réponse à la saisie de ces mots clefs sur le moteur de recherche de Google.  Google finance son moteur de recherche grâce aux recettes qu’il tire d’AdWord
s. »

En France, des procédures ont été régulièrement introduites par des titulaires de marques à l’encontre de Google qui a régulièrement était condamné.  Concrètement les titulaires des marques qui se battent depuis des années pour faire leur place sur le net grâce à leurs efforts et qui comptent sur leur référencement naturel l’ont tout bonnement mauvaise lorsqu’ils s’aperçoivent qu’un concurrent parfois tout juste arrivé sur le marché apparaît en lien commercial si l’on saisi leur marque en recherche sur Google. Or le services Adwords est une vraie foire d’empoigne où celui qui paye le plus à le plus de chance de voir son lien remonter dans le cadre du haut ou en tête des résultats du cadre de droite.  Si l’on cumule cela avec le fait que Google propose lui-même une liste de mots clefs dont certains peuvent être des marques ou des raisons sociales, on comprend mieux que les magistrats français aient pu estimer que nos amis de Google avaient poussé le bouchon un peu loin. En fait, je partage le sentiment que dans le cadre de ce service Google sort de sa neutralité de prestataire technique.  Or c’est cette neutralité qui justifie l’exonération de responsabilité dont bénéficient les prestataires techniques tels que les hébergeurs.

En effet, cette exonération s’applique « lorsqu’il y a i) fourniture d’un service de la société de l’information, ii) consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service à la demande de celui-ci; et que iii) le prestataire n’a pas effectivement connaissance de l’information illicite ou de faits ou circonstances rendant apparent le caractère illicite de l’information, et dès le moment où il a de telles connaissances, agit promptement pour retirer les informations. En vertu du droit communautaire des marques, le titulaire d’une marque peut interdire à d’autres de faire usage du signe dans la publicité. »

L’ « Avocat Général Poiares Maduro est d’avis que Google n’a pas porté atteinte aux marques en permettant aux annonceurs de sélectionner, dans AdWords, des mots clefs correspondant à des marques. »  Il est vrai qu’il n’y a pas de doute que les marques réservées en tant que mots clefs dans le cadre de la configuration du service ne sont  pas des actes de contrefaçon en eux-mêmes. D’ailleurs les annonceurs eux-mêmes ne se rendent pas coupables de contrefaçon de marque en sélectionnant dans AdWords des mots clefs correspondant à des marques. Et alors ?!  La question est celle de la responsabilité de Google, à mon sens, et doit être plus largement embrassée.

Ceci dit on a le sentiment à la lecture de ce document que l’avocat général affirme pleinement qu’il n’y a rien de mal dans tout cela puisque les internautes sont censés avoir conscience qu’en saisissant une requête de recherche  « le site du titulaire de la marque ne sera pas le seul à apparaître en réponse et ils pourraient même parfois ne pas être à la recherche de ce site« .  Reste que nous parlons de mots clefs qui sont des marques. Donc reprenons, notre internaute tape un terme descriptif tel que « ordinateur portable », le référencement naturel et payant joue pleinement. Par contre lorsque notre internaute saisi un nom bien particulier comme  » Acer », je doute que les titulaires de la marque soient ravis de voir apparaître le site de SONY même s’il n’y a aucun risque de confusion (je précise bien que mon exemple est purement fictif).

Je n’ai pas lu les conclusions en elles-mêmes, mais seulement le communiqué de presse (assez complet) donc je resterai prudent. Mais il me semble que cela ne répond pas réellement à la question de la responsabilité de Google. En particulier à la responsabilité  fondée sur l’article 1382 du code civil.  Car je crois pour ma part qu’il y a un dommage.

La question est bien de savoir si il y a dommage causé au titulaire de la marque ou non. Or dans mon raisonnement, notre internaute cherche une marque bien particulière mais pourquoi ? Parce qu’il a eu connaissance de cette marque et d’un produit de cette marque grâce aux investissements en communication de cette marque dans tous les médias. Alors le juste retour des choses venant d’un prestataire technique qui se dit neutre et vouloir bénéficier de la protection de cette neutralité ne serait-ce pas de laisser l’internaute trouver ce qu’il cherche ?

Par ailleurs on cherche rarement une marque par hasard sur un moteur, sauf à ce que cette marque soit descriptive du produit ou du service ce qui l’expose à un risque de demande de nullité si le titulaire venait à assigner en contrefaçon. Je ne crois pas à la thèse de l’internaute qui saisirait une marque sans réellement savoir ce qu’il cherche et se trouverait ravi de voir tous les gentils liens commerciaux s’afficher pour l’aider dans son choix… Navrant !

En réalité, selon l’avocat général la rupture de neutralité du « prestataire Google » serait constituée dans le contenu des liens commerciaux tel qu’il est affiché.  En effet,  » tandis que le moteur de recherche est un véhicule d’informations neutre qui applique des critères objectifs pour obtenir le plus de sites pertinents par rapport aux mots clefs saisis, tel n’est pas le cas d’AdWords, Google ayant ici un intérêt pécuniaire direct à ce que les utilisateurs d’Internet cliquent sur les liens des annonces. Ainsi, l’exonération de responsabilité en matière d’hébergement, prévue par la directive sur le commerce électronique, ne devrait pas s’appliquer au contenu présent dans AdWords « .

Mais alors pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement plus en amont lors du choix des mots clefs ? Parce que l’avocat général raisonne uniquement sur une problématique de contrefaçon de marque et que le contenu de l’affichage fait le lien entre le Adwords et Google. Et l’avocat général va même jusqu’à faire un appel du pied aux titulaires de marques une sorte de  » Messieurs, revoyez vos copies, Google est prenable mais pas par cette face là ! ». Il faudrait donc attendre Google au tournant de la présentation du contenu des liens commerciaux. L’intérêt financier de la société à ce que les internautes cliquent pourrait  la pousser à entretenir une confusion. Est ce réellement là la seule piste offerte ? Elle semble bien mince… Le fait d’entretenir un système d’enchère dans la réservation des mots clefs semble tout aussi anormal, car même s’il n’y a pas reproduction pour des produits ou services similaires, il s’agit bien d’un usage commerciale de la marque qui profite a google. En effet, le seul intéret du mot clef qui est une marque est que le titulaire de la marque comme ses concurrents vont faire monter les enchères afin de bénéficier du lien commercial ! Si la marque n’existe pas, le mot clef serait inintéressant. La notoriété forte ou faible de la marque rejailli directement sur les bénéfices de Google. Si cela ne s’appelle pas du parasitisme en droit Français, je ne sais plus comment le nommer.

Bref, l’opinion de l’avocat général ne lie pas la Cour de justice nous rappelle le communiqué. Affaire à suivre donc, mais sans grand espoir. Google fait un peu la pluie et le beau temps sur l’internet français et lui imposer une certaine ligne de conduite dans son fonctionnement interne n’était pas pour me déplaire.

En fait je m’aperçois que cela pose une question fondamentale sur l’internet : le principe même du référencement doit-il faire l’objet d’une réglementation ayant pour objet de lui conserver toute son objectivité ? Ou encore, à quand un moteur de recherche public reflet du seul intérêt général du peuple et de la mère Patrie ! ? Houlà !!!

Gérald SADDE – Avocat-marade

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