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NINTENDO face à l’exception de décompilation : touche pas à ma DS !

C’est une occasion rare que nous donne le TGI de Paris dans sa décision du 3 décembre 2009 (rapportée dans la revue Lamy Droit de l’Immatériel n°56 de janvier 2010 p.28), celle de voir appliquer l‘exception de décompilation prévue à l’article L.122-6-1 IV du Code de la propriété intellectuelle français. Cette disposition vient organiser les cas dans lesquels un utilisateur ayant payé sa licence a le droit de ne pas solliciter l’autorisation de l’auteur d’un logiciel avant de décompiler ce dernier. Par décompiler on entend, accéder au code source du logiciel à partir de son fichier exécutable au moyen, le plus souvent, de techniques d’ingénierie inverses. Pour résumer,  la loi prévoit des cas très encadrés, dans lesquels, l’utilisateur qui en a besoin, a le droit d’aller voir comment fonctionne le logiciel alors que d’habitude il n’a pas le droit (sauf lorsqu’il s’agit de logiciel libre puisque leur code source est librement accessible).

Pour l’éditeur de logiciels «  propriétaire lambda », une telle immixtion dans son code estsouvent perçue comme une grave violation du secret qui entoure des logiciels innovants. Les programmeurs étant rarement des imbéciles (oui je sais cela arrive tout de même), ceux qui parviennent à décompiler un code, sont capables de comprendre le fonctionnement du logiciel et les principes qui l’animent, voire même de créer un produit concurrent programmé autrement et qui ne serait donc pas contrefaisant. Du coup, la compilation vient fournir une protection technique en plus de la protection juridique, sous la forme d’une encapsulation du logiciel qui protège son « moteur » des regards indiscrets afin que l’éditeur conserve son avantage concurrentiel (et cache les faiblesses et programmes espions de son produit :) ).

Ce principe de protection technique est largement accepté, voire défendu par la loi,  sauf lorsqu’il s’agit d’interopérabilité entre les systèmes. Or, dans l’affaire qui nous intéresse, il était justement question d’interopérabilité. En effet,  NINTENDO cherche à faire cesser la prolifération des « linkers » qui sont des cartouches compatibles DS (voir ce site pour exemple) qui ont la particularité de « déverrouiller » le système d’exploitation interne de la console. Ainsi, l’utilisateur de la petite console portable se voit ouvrir un nouveau monde de fonctionnalités pas du tout officielles et que NINTENDO n’apprécie guère. Les programmeurs peuvent ouvrir de nouvelles fonctions multimédia, ou développer des jeux, mais aussi permettre l’utilisation de jeux copiés.  Bref, c’est porte ouverte !

Ce sont donc des fabricants de « linkers » qui ont été amenés devant le Tribunal, en particulier pour atteinte au droit qu’a l’auteur d’interdir la modification et la traduction de son logiciel (le système d’exploitation de la DS). Or, les magistrats ont relaxé ces fabricants en se fondant sur leur droit à accéder au code source en vue d’assurer interopérabilité prévue par la loi. Interopérabilité de quoi avec quoi  m’interrogeais-je ? Et bien il semblerait (je n’ai pas la décision intégrale) qu’il s’agisse  bien de protéger le droit qu’a le fabricant d’un matériel compatible avec la DS de pouvoir faire interagir son matériel avec la console. Je sens sur moi vos regards septiques mais indulgents.

Il est vrai que cette position peut surprendre. Je crois d’ailleurs qu’elle a surpris les demandeurs et le Parquet, qui n’ont pas mis au dossier les éléments de preuve de nature à démontrer que les fabricants de linkers ne pouvaient pas bénéficier de l’exception de décompilation. En effet, la loi a encadré cette exception à tel point qu’elle est quasiment inutilisable si l’on considère que les opérations de décompilation doivent être limitées aux parties du logiciel d’origine nécessaires à cette interopérabilité, et que « Les informations ainsi obtenues ne peuvent être :
1° Ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l’interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante;
2° Ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l’interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
3° Ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d’un logiciel dont l’expression est substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d’auteur. »

Sur ces points les magistrats relèvent donc simplement qu’aucune de ces limitations ne semble avoir été excédée, faute de preuve du contraire. Bien entendu NINTENDO et le parquet interjettent appel et ils ne manqueront pas cette fois d’apporter les preuves manquantes. Je m’interroge notamment sur un point qui reste obscur pour moi, à savoir si les « linkers » intègrent une version modifiée du système d’exploitation de la console en vue de se substituer à celui-ci aux yeux de la console. Si c’est le cas,  ils sont manifestement illégaux. Si, par contre,  ils ne font qu’ajouter une couche logicielle qui interagit avec le système d’exploitation alors il y a peut-être un espace légal pour eux.

Mais sincèrement cet espace sera mince car le texte de l’exception de décompilation me paraît totalement inadapté au cas d’un professionnel souhaitant rendre un produit compatible pour le commercialiser. Ce texte vise avant tout les utilisateurs licenciés de logiciels qui ont, pour leur propre besoins internes, la nécessité, à un moment donné de faire interagir celui-ci avec un autre programme (de le linker :) ) et qui ne doivent pas se trouver dans l’impossibilité de le faire en cas de silence de l’éditeur.

Je retiens pour l’heure que ces dispositifs n’ont pas été jugés illégaux en eux-même et que le Tribunal a écarté le fait qu’ils constituaient une atteinte  à « une mesure technique efficace de protection » au sens de la loi DADVSI, et ce point méritera aussi que nous y revenions en appel.

Gérald SADDE – Avocat  interopérable -

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