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La CJUE se prononce sur la légalité de la revente de licences de logiciels « d’occasion » : l’arrêt qui fait trembler les éditeurs.

Le droit d’auteur en matière de logiciel est encore jeune à l’échelle temporelle juridique. Datant des années 80, voire du début des années 90 au niveau communautaire, bien des questions demeurent en suspend à commencer par celle de l’étendue de ces droits. Les commentateurs s’interrogent, en particulier, de longue date sur le droit dit de « destination » qui prolonge le monopole de l’auteur sur son oeuvre jusque dans son moyen de diffusion. La question soulevée devant la CJUE concerne justement l’épuisement de ce droit qu’a un auteur sur son logiciel en matière de revente de ses licences. Très pratiquement : un éditeur a-t-il le droit d’interdire la revente  de son logiciel par son acheteur initial ?

Tout part du texte des licences utilisateurs Oracle sous l’intitulé «Droit concédé»:

«Le paiement des services vous donne un droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit, réservé à un usage professionnel interne, pour tous les produits et services qu’Oracle développe et met à votre disposition sur le fondement du présent contrat.»

La société UsedSoft, qui commercialisait des licences de logiciels «d’occasion», a pourtant proposé, au mois d’octobre 2005, des licences d’Oracle de « seconde main », c’est à dire déjà utilisées par un premier licencié les ayant donc cédées. Le vendeur de ces logiciels d’occasion indiquait  qu’elles étaient à jour, en ce sens que le contrat de maintenance souscrit avec Oracle par le premier  preneur de chaque licence était toujours en cours de validité. Les clients de UsedSoft, après avoir acquis une licence «d’occasion»,  pouvaient donc télécharger ce logiciel directement à partir du site Internet d’Oracle. D’autres clients, disposant déjà dudit logiciel, acquéraient ce faisant des licences complémentaires correspondant à des utilisateurs additionnels.

En effet,  la société UsedSoft tirait son droit à faire un tel commerce de la directive 2009/24 codifiant la directive 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur qui prévoit que   »La première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans [l’Union européenne] par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de distribution de cette copie dans [l’Union], à l’exception du droit de contrôler des locations ultérieures du programme d’ordinateur ou d’une copie de celui-ci. »

La société Oracle, face à cette violation de son contrat de licence, a introduit une action devant le Landgericht München I afin de faire cesser ces pratiques. Cette juridiction a accueilli sa demande. L’appel introduit par UsedSoft contre cette décision ayant été rejeté, celle-ci a ensuite introduit un recours en « Révision» devant le Bundesgerichtshof (Allemagne).

Le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE  trois questions préjudicielles que nous résumerons en deux points :

1 -le téléchargement des programmes d’Oracle par une personne résidant sur le territoire de l’Union a-t-il pour effet d’entraîner l’épuisement «communautaire» du droit de distribution de ces programmes, en application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive ? Ou encore, le principe de l’épuisement des droit de l’éditeur de logiciel s’applique-t-il au téléchargement par l’Internet ? S’agit-il bien d’une « première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur » ? Et même, pour simplifier : s’agit-il bien d’une vente ?

2 - L’acquéreur de la licence d’occasion peut-il être qualifié  d’«acquéreur légitime» au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24, ceci lui permettant de réaliser une nouvelle copie du programme lorsque le premier acquéreur a effacé sa copie ou ne l’utilise plus ?

Nous touchons là à des questions fondamentales et très classiques du droit de l’informatique. Ce qui ne signifie pas qu’elles aient déjà trouvé une réponse satisfaisante en matière de logiciel.

Sur la première question la Cour a répondu par l’affirmative en dépit de nombreuses objections de pays membre dont la France. La Cour estime en effet que le fait de télécharger le logiciel forme un tout indivisible avec le droit d’usage qui l’accompagne. Ainsi, le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si l’éditeur qui a autorisé le téléchargement de cette copie, a également conféré, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée. La nature de la licence accompagnant le support a donc une importance.

Cela signifie sans doute a contrario qu’une licence limitée en durée pourrait amener à une qualification de l’opération en « prestation de service » et exclure le mécanisme de l’épuisement des droits. Les fichiers du programme et les droits permettant de l’utiliser indéfiniment sans nouveau paiement, font de l’ensemble un produit, un « exemplaire fonctionnel » du logiciel qui fait donc l’objet d’une vente au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24.

Sur le second point (la question préjudicielle n°1 et 3 en fait) la Cour relève d’abord que  »le nouvel acquéreur de la licence d’utilisation, tel que le client de UsedSoft, pourra, en tant qu’«acquéreur légitime» de la copie corrigée et mise à jour du programme d’ordinateur concerné, procéder au téléchargement de cette copie à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur.

Ledit téléchargement constitue alors la reproduction nécessaire d’un programme d’ordinateur permettant au nouvel acquéreur d’utiliser ce programme d’une manière conforme à sa destination.

Il faudrait donc comprendre ici que le service de téléchargement offert par Oracle est un service attaché à la licence et non au licencié, et que l’éditeur se trouve donc contraint de le maintenir au profit du « licencié de second rang » qui bénéficie de l’épuisement du droit de l’éditeur à contrôler ce qu’il advient d’un exemplaire de son programme.

Le périmètre de la licence d’occasion doit cependant demeurer identique en nombre d’utilisateurs autorisés. S’agissant d’un tout, la Cour, en toute logique, précise que ce produit ne peut alors être scindé pour une revente « au détail » des droits qu’elle contient. La logique « produit » doit être respectée jusqu’au bout, ce qui implique aussi que toute vente de licence s’accompagne d’une dépossession corrélative du vendeur de la copie des programmes à l’instant du transfert effectif de propriété. L’éditeur pourra procéder à toutes vérifications en ce sens.

Au final cet arrêt s’avère très riche en renseignements au-delà même des réponses au cas d’espèce qu’il apporte et que nous avons rapidement retranscrites ici. Nul doute qu’une telle décision implique des modifications des contrats de licence consentis, voire des modèles économiques entiers, de nombres d’éditeurs. Dans un tel contexte juridique, l’avantage du Software as a Service apparaîtra sans doute encore renforcé aux yeux de certains éditeurs.

L’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑128/11.

Gérald SADDE – UsedLawyer

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Petite théorie personnelle : l’ « Open Data by design »

Je profite de l’avoir enfin lu pour mettre un lien vers l’Avis n° 12 du Conseil national du numérique relatif à l’ouverture des données publiques (« Open data ») :

http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2012/06/2012-06-05_AvisCNNum_12_OpenData.pdf.

Je retiens bien entendu le fort message du CNN en faveur de l’open data et deux propositions juridiques.

« Elargir le périmètre des informations publiques - Proposition n° 2 : Ne prévoir à la définition du périmètre des informations publiques d’autres exceptions que celles découlant de l’application d’autres lois (données à caractère personnel, propriété intellectuelle et industrielle, secret défense etc.).

Etendre le droit de la réutilisation aux données brutes des SPIC – Proposition n° 5 : Promouvoir l’émergence d’une licence unique, ou d’une famille de licences compatibles, au niveau européen. »

Il est toujours étonnant de voir comme ces propositions exprimées en des termes simples et porteuses d’idées nobles, sont en réalité affreusement complexes à mettre en oeuvre. Concrètement, savoir si une donnée sera « libérable » va nécessiter un audit juridique poussé surtout si l’on applique un tel système de « Oui sauf ». Les cas interdisant une libération de la donnée publique sont tellement nombreux qu’il va falloir être particulièrement attentif à la force du véhicule législatif utilisé. Cela risque de soulever des conflits de normes importants dans lesquels la force hiérarchique du texte autorisant la libération aura une importance capitale pour la cohérence et l’efficience du mécanisme. Un simple décret, par exemple, risque de souvent courber l’échine face à des textes constitutionnels ou organiques. A l’inverse donner au principe une trop grande force dans la hiérarchie des normes risque de le rendre dangereux car lui conférant une autorité supérieure à des principes plus fondamentaux ou tout aussi légitimes.

Sur le fait de tendre vers une licence ou une famille de licences commune, c’est un fait, la licence ouverte actuelle est réellement perfectible. Mais ces licences doivent prendre en compte les contraintes légales citées supra. Or ces contraintes vont varier en fonction du pays.

L’ennui est que la problématique me semble devoir s’enrichir d’un niveau supplémentaire. En effet, le fait de s’interroger sur la « libérabilité » d’un jeu de données ainsi que sur la licence qui doit lui être appliqué doit nous amener à poser la question du « Pourquoi ? ». Pourquoi veut-on libérer ces données ? Car en fonction de l’usage et des traitements appliqués, les intérêts lésés et les dispositifs légaux impactés peuvent largement varier. Par exemple un risque lié à la protection des données à caractère personnel portant sur un jeu de données, n’a plus lieu d’être si l’usage qui en est fait est purement statistique. Or, ce paramètre de la finalité n’a pas à rentrer en ligne de compte car l’on ne peut prendre le risque d’autoriser à qui veut l’exploitation d’un jeu de données à la condition d’en faire tel ou tel usage. Donc la question du « Pourquoi ? » devient une question du « Comment ? ». C’est à dire sous quelle forme la donnée doit-elle être libérée pour ne plus être délétère même si cette forme l’ampute, l’appauvrie ou en réduit les usages.

Ceci implique que l’audit juridique dont nous parlions risque d’aboutir à 3 solutions pour chaque jeu de données : libération possible, libération impossible, libération possible sous condition de retraitement de la données. A noter au passage que cette dernière hypothèse peut avoir un coût important pour l’organisme libérant la donnée. Une image s’éloigne donc de mon esprit. Naïf, j’y voyais des cohortes de start-up en quête de services à haute valeur ajoutée se jetant sur des données publiques en friches soudainement offertes à leur appétit « datavore »,  comme une journée d’ouverture d’un nouveau brocanteur dans le 10ème arrondissement de Paris (bon d’accord à Croix-rousse pour les lyonnais :) ).

Mon avis à ce stade est que le processus de production de la donnée doit intégrer dès le départ l’hypothèse de leur libération à venir ou en temps réel. Il s’agit certes d’une contrainte supplémentaire mais qui rend l’hypothèse d’une diffusion des données en temps réel beaucoup plus crédible : une sorte d’ « Open Data by Design ». La donnée publique doit être juridiquement constituée en vue d’être ouverte et partagée (et certainement techniquement aussi).

Gérald SADDE – Avocat / lawyer by design

PS : ce billet vient compléter le petit dossier OPEN DATA.

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Interview sur RCF à propos de la dernière affaire « Google Suggest » : Google favorise-t-il involontairement l’antissémitisme ?

Je n’arrive pas à exporter le lecteur donc c’est par ici :)

Les voies je ne sais pas mais les canaux hertziens du Seigneur sont pénétrables  !

Gérald SADDE – Avocat surfant les ondes -

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