Je vous explique le problème. A l’occasion d’un audit de site de commerce électronique, j’ai dû me replonger dans les modifications apportées au code de la consommation par la loi Chatel : LOI n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
Alors je vous le confirme pour ceux qui en douteraient, elle est vraiment au service du consommateur. Il faudra juste qu’il y ait encore quelque chose à consommer, ou plus exactement qu’il y ait encore des commerçants pour le proposer.
Cette loi est globalement très exigeante. Beaucoup d’observateurs l’ont relevé, elle va certainement bien au-delà du rétablissement d’un juste équilibre des forces entre consommateurs et commerçants. Pourtant j’ai toujours lu la même chose et certains points ont été placés sous silence ou ignorés.
En tant que consommateur, je suis plutôt rassuré des mesures mises en place et qui sont rentrées en vigueur en juin dernier. En tant qu’avocat, c’est une toute autre histoire, même si là encore je pourrais me trouver satisfait de voir le droit français se complexifier encore un peu plus, rendant ainsi le recours à mes services de plus en plus indispensable.
Néanmoins j’ai une crainte majeure, qu’il y ait de moins en moins de fous pour se lancer dans l’aventure du commerce en ligne. Premier indice, le coût de mes prestations augmente manifestement, car les points à contrôler sont plus nombreux et plus tortueux, je dirais même.
Par exemple, avant vous pouviez vous montrer assez « favorable » au commerçant dans la rédaction d’une clause. Que risquions-nous ? Une nullité de la clause au pire !
Je ne dis pas que c’était tout à fait honnête, mais disons qu’il n’y avait là rien d’illégal et qu’il y avait une petite marge de manœuvre. J’ai le sentiment qu’elle a pour le moins disparu à lire cet article :
Art.L. 121-1.-I. ― Une pratique commerciale est trompeuse (…) lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur (…) le traitement des réclamations et les droits du consommateur.
Alors si vous n’êtes que consommateur vous allez me dire que c’est normal et que cela fait partie d’une information loyale vis-à-vis du profane. En pratique cela devient tout simplement compliqué car il n’y a pas que ce texte.
Je citerai :
« Art.L. 120-1.-Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »
« Art.L. 122-11.-Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale : « 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur ; « 2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur ; « 3° Elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur.«
En 2004, nous avons eu une loi intitulée « Loi pour la confiance dans l’économie numérique » comment pourrions-nous surnommer celle-ci ? « Loi pour le déséquilibre notoire des e-commerçants français face à leur concurrents étrangers ».
L’arsenal législatif déployé fait peser, à mon sens, une épée de Damoclès bien peu rassurante car comme dans la légende on ne sait pas exactement quand elle peut tomber.
Or, le net est un terrain d’essai à de nombreuses techniques marketing qui font sa richesse et participent aussi de son essor économique pendant ces périodes de vaches maigres et de fermetures d’usines. Potentiellement le web offre des méthodes de communication vers le consommateur réellement innovantes. Mais comment savoir comment sera perçu le message ou la méthode ? Et surtout comment savoir si la stratégie et les outils marketing mis en place ne sont pas en contradiction avec ces nouvelles infractions aux contours mal définis ?
Rendez-vous compte, la seule potentialité suffit ! Indépendamment de savoir si un consommateur en a souffert. Cela relève de la diabolisation des e-commerçants !!!! Bon certes, il s’agit juste d’un nouvel outil pour la DGCCRF mais je me demande s’il n’existait pas déjà suffisamment de textes.
La sensibilisation et l’information du consommateur n’étaient-elle pas suffisantes sinon indispensables puisque les techniques les plus agressives ne viennent pas de France car nous avons depuis bien longtemps une arme juridique absolue : le Julien COURBET !
Comme le disait un confrère : cette loi semble faite pour son émission !
La loi Chatel c’est ici.
Gérald SADDE – Avocat qui craint pour ses clients -