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Open Source : consécration française de la licence GNU GPL ... ou pas !!??

Nicolas Rougier
Nicolas Rougier (c) 2005 http://www.loria.fr/~rougier

Derrière ce titre volontairement positif et dénué d’ambiguïtés (hum hum…), se cache en fait un développement bien plus mitigé car chargé de nombreuses questions et incertitudes. Nous parlons en effet d’une jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris (Pôle 5 – Chambre 10) du 16 septembre 2009.  Cette affaire oppose l’Association Nationale Pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) à la « SA EDU4″, une société de prestation informatique spécialisée. Vous découvrirez que le lien hypertexte précédent vous conduira vers le jugement scanné, hébergé par la Free Software Foundation France. En effet, c’est sur ce site que j’ai pu découvrir cet Arrêt. En fait je recherchais les suites judiciaires de l’assignation de Free par des auteurs de logiciels open source (embarqués dans les Freebox). Et je tombe sur un article sur ZDNET évoquant ce que je cherchais mais relatant cette étrange jurisprudence qui m’arrête net.  Car en matière d’open source et de logiciel libre il ne faut pas faire le difficile, la bête est rare !

Les faits

Je vais tâcher de garder l’essentiel des faits : notre prestataire s’est engagé à réaliser un programme d’équipement sur mesure de tous les centres de l’AFPA. Il s’agit d’un marché public d’un bon gabarit puisque de plusieurs millions d’euros soumis à appel d’offre comme il se doit.  Dans leurs offres, les entreprises doivent mentionner les moyens techniques mis en oeuvre pour répondre au cahier des charges de l’appel d’offre. L’entreprise choisi, ici EDU4,  a ensuite l’obligation de se conformer aux engagements avancés dans son offre puisqu’elles ont servi de base au choix de l’émetteur de l’appel d’offre. Précisions que ladite offre date de mai 2000, une époque  où l’on commence à peine à parler d’open source en France.  (C’est personnellement cette année que j’ai entendu pour la première fois ce mot en fac de droit).

Donc je la fais courte, notre société commence à travailler et réalise la première phase du projet consistant, semble-t-il, à installer des sites pilotes en vue de procéder à une vérification d’aptitude et enfin à une recette. C’est en janvier 2002, peu après la phase de recette que l’AFPA notifie par courrier à EDU4 que certaines informations portées à sa connaissance l’amène à vérifier  la sincérité de l’offre déposée. En effet, l’AFPA vient de d’apprendre que la solution logicielle qui doit être déployée sur tous ses sites contient une version modifiée du célèbre logiciel libre VNC. Ce logiciel permet la prise de contrôle à distance des postes qui en sont pourvus.

Le problème

Que reprochait réellement l’AFPA à EDU4 ? Tout d’abord qu’il y ait un logiciel Open Source non déclaré intégré dans l’application installée et que les copyrights d’origine en aient été supprimés ainsi que le texte de la licence d’origine, la GNU General Public License (v2 je suppose). Enfin, il y avait les modifications de VNC en elle-même qui semblaient offrir une « backdoor » à EDU4, lui permettant de prendre le contrôle de tous les postes installés des Espaces Ouverts de Formation de l’AFPA.

L’AFPA a donc demandé la résiliation à l’amiable du contrat la liant à EDU4 moyennant le versement de 228 000 € correspondant à la maintenance des sites installés. Proposition refusée par EDU4, bien décidée à ne pas laisser partir les nombreux millions restant. Je dois dire que je serais curieux de connaître les vraies raisons de la résiliation car les fautes relevées ont l’apparence d’un bon gros prétexte.

Après deux expertises dont une menée par Hubert BITAN, la conviction de la Cour est forgée et EDU4 se voit déboutée de ses demandes. La Cour, suite à la dernière expertise, a jugé que la version du logiciel livrée par EDU4 en vue de vérifier sa conformité au cahier des charges, était manifestement porteuse des éléments reprochés par l’AFPA. Voilà voilà… je m »arrête là ? Mais non diantre !  Je rêve ! Dites moi que j’ai loupé quelque chose ! Que mes confrères qui ont géré le dossier m’appellent sur le champ pour m’expliquer le pourquoi du comment ? Non tiens… Mieux, les magistrats ou le Bon dieu ! Tout ça pour ça ? Mais c’est quoi cette motivation ?

De ce qui est bien mais pas top !

C’est terrible ce qui viens de se passer. C’est comme un bon vin que l’on débouche et qui a madérisé, ça écœure tout bonnement. Il a fallu 9 ans pour que cette décision sorte de terre et on passe à côté de ce qui est intéressant alors que la cuvée pouvait être somptueuse. J’ai pu lire que la FSF France voit dans cette décision la reconnaissance du droit de l’utilisateur à disposer du code source de l’application sous GNU GPL modifiée… Mais où ont-ils lu ça  ? Et bien nul part, ou alors il faut aller le chercher loin, ce que je vais faire donc accrochez vous.

Je reprends. Que nous dit cette décision ? Elle nous dit que le fait de tenter de camoufler l’utilisation d’un logiciel sous GNU GPL dans une réponse à appel d’offre en supprimant les copyrights est une cause de rupture contractuelle pour non conformité. Et encore, cela doit être modéré car d’une part, nous sommes dans le contexte très formaliste du Cahier des Clauses Administratives Générales, et d’autre part la décision s’appuie aussi sur le défaut de sécurité du logiciel VNC ainsi modifié.

Restons positifs et lisons le considérant : «Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Edu 4 a manqué à ses obligations contractuelles en livrant en décembre 2001, date à laquelle devait s’apprécier sa conformité, un produit, d’une part qui ne satisfaisait pas aux termes de la licence GNU GPL puisque la société Edu 4 avait fait disparaître les copyrights d’origine de VNC sur les propriétés de deux fichiers en les remplaçant par les siens et avait supprimé le texte de la licence»

Cher lecteur, avez vous lu comme moi cette abomination, cet odieux « puisque » ! Pour les magistrats, les obligations de la GNU GPL qui ont été violées ne concerneraient que l’obligation de conserver le nom des auteurs et le texte de la  licenceOr, ceci semble supposer que les magistrats reconnaissent la validité de ladite licence et de ses dispositions sinon pourquoi s’y référer ? Voilà ce qui me semble bien dans cette décision mais ce n’est pas la première du genre (voir l’affaire EDUCAFFIX).

En effet, en admettant ce postulat pourquoi ne pas aller plus loin que ces deux obligations qui restent mineures dans LA licence copyleft par excellence ? Pourquoi diable l’AFPA n’a-t-elle pas demandé la résiliation en invoquant le fait qu’il y avait une contamination par la licence copyleft ? En effet, les termes de la licence GNU GPL version 2 sont tout à fait clairs sur le sort des versions modifiées des logiciels diffusés sous cette licence : le logiciel modifié doit impérativement être diffusé sous la même licence GNU GPL ce qui implique effectivement de donner accès au code source de la version modifiée. Donc la faute contractuelle portait bien plus sur le risque engendré par l’application de la licence GNU GPL  que sur le non respect des termes de la licence en matière de paternité.

Incompréhension n°1 : pourquoi motiver la décision sur l’inexécution des termes de la GNU GPL alors que, tel que formulé dans la décision, ce point n’intéresse que le titulaire des droits sur le logiciel, la société ATT, non partie au procès ?

Incompréhension n°2 : quitte à motiver de la sorte pourquoi ne pas reprocher directement l’incompatiblité de la GNU GPL avec le cahier des charges qui imposait sans doute la cession totale des droits patrimoniaux sur les logiciels réalisés ? Il était simple de soutenir que le principe de contamination était incompatible avec la cession des droits patrimoniaux au profit de l’AFPA.

Incompréhension n°3 : pourquoi ne pas avoir retenu tout simplement le défaut d’information pour invoquer un vice du consentement initial de l’AFPA, ce qui n’est pas directement repris dans le considérant ?

Incompréhension n°4 : pourquoi dans tous les cas ne pas aller au bout des choses en tirant les conséquences pratiques de la validité de la GNU GPL si tel est le cas ? En effet,  sur ce dernier point, il est capital de rappeler le fonctionnement profond d’une licence libre. Dans notre cas, le fait pour EDU4  de ne pas respecter les termes de la GNU GPL, a pour conséquence directe de lui retirer le bénéfice des droits offerts par la licence dont le droit de redistribution d’une version modifiée. Ceci implique, et ce n’est pas mentionné dans l’arrêt, que l’AFPA se trouverait alors utilisatrice d’un logiciel contrefait puisque redistribué par EDU4 sans licence valable des auteurs (enfin plutôt de l’éditeur ATT).

Voilà qui semble être une vraie motivation à cette résiliation qui aurait eu l’avantage de consacrer la validité du fonctionnement général d’une licence open source  de droit américain en droit français. Un tel raisonnement aurait fait avancer les choses ! Au final,  la motivation semble n’être qu’une sorte de résiliation pour manque de loyauté de EDU4, ce qui n’est guère juridique mais colle finalement assez bien avec ma théorie du « prétexte mou à la résiliation ».

Enfin je dis ça mais je n’ai pas le dossier alors pour reprendre ma métaphore œnologique, vous savez ce que l’on dit des bouteilles avant de les ouvrir : « on est pas dedans ».

Gérald SADDE – Avocat un peu bouchonné

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